Les luttes d’ailleurs Nos luttes ici

Connaître les luttes féministes internationales actuelles pour mieux comprendre nos enjeux locaux, régionaux et nationaux

Billet inspiré de la présentation de Sahar Irfani et d’Emilia Castro
lors de la journée de consultation du RGF-CN
dans le cadre de la planification stratégique

Nous profitons de cette journée du 8 mars 2020, journée internationale des droits des femmes, pour rappeler que nos droits acquis sont le fruit des luttes féministes ici et ailleurs. Partout sur la planète – et depuis toujours – les femmes se mobilisent pour obtenir leurs droits et porter les valeurs d’égalité, d’équité, de partage et de justice sociale. Une fois ces droits obtenus, rien ne les garantit. Les femmes ont le fardeau de poursuivre la lutte pour conserver leurs acquis fragilisés par les extrêmes-droites, le néolibéralisme, le masculinisme, la mondialisation, les crises politiques, les crises économiques, la guerre, la crise climatique, etc.

Par ce billet, nous souhaitons faire un tour d’horizon des mobilisations féministes à travers le monde pour concrétiser les valeurs féministes. Évidemment, ce tour ne sera pas exhaustif, mais il nous permettra de soulever quelques éléments du contexte du Québec et de notre région.

Nous avons décidé d’utiliser un symbole, le wiphala (prononcé « wifala » ou « wipala » selon les régions), qui désigne les drapeaux rectangulaires aux sept couleurs utilises par des groupes ethnoculturels des Andes. L’usage du drapeau arc-en-ciel est une tradition ancienne commune à de nombreuses cultures. Il évoque généralement la paix, la diversité et l’harmonie. Aujourd’hui, le drapeau arc-en-ciel est connu comme celui de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT) depuis 1978.

Le wiphala est composé de sept couleurs :


• le rouge, pour représenter la Terre-Mère ou Pachamama;
 le orange, qui désigne la société et culture;
 le jaune pour l’énergie et la force;
• le blanc, qui réfère au le temps et à la dialectique (une méthode de raisonnement qui occupe une place importante dans les philosophies occidentales et orientales);
• le vert, pour l’économie et la production
• le bleu, qui désigne l’espace cosmique
• le violet, pour la politique et l’idéologie andine, c’est-à-dire l’expression de la communauté et du pouvoir harmonique des Andes.

Ce drapeau reflète l’importance de valorisation du fonctionnement démocratique, de prise de décision collective.


Nous avons un grand privilège de pouvoir en toute quiétude échanger, discuter et décider toutes ensembles. Ce n’est pas cas dans plusieurs points de la planète où les femmes et leurs groupes subissent un manque de liberté, de démocratie et sont victimes de répression quand elles veulent s’organiser et revendiquer. Où leurs droits sont inexistants.


Nous vous proposons un bref tour du monde afin de prendre conscience que le contexte que nous vivons au Québec et au Canada se reproduit un peu partout, avec des nuances parfois très différentes, mais la trame de fond est la même : c’est à dire un système qui est capitaliste, patriarcal et raciste; un système qui exploite d’une façon éhontée les secteurs les plus opprimés de la société, notamment les femmes.

Mais les femmes résistent ici et ailleurs dans le monde.

Quelques exemples de résistances féministes à travers le monde

Il est important que nous reconnaissions, à l’échelle mondiale, que cette lutte est intersectorielle et internationale et qu’elle exige de faire converger toutes les stratégies pour aller au-delà du simple accès des femmes à des positions plus justes dans la société et d’exiger « une transformation radicale de la société fondée sur le double principe d’équité et de justice » (Nueva Sociedad et Democracia Abierta en mai 2019).

Les Amériques

En Amérique latine, les femmes ont toujours participé aux luttes historiques pour la défense des territoires et de l’environnement. Au moyen d’actions de mobilisation et de pratiques quotidiennes, elles résistent aux projets des compagnies minières canadiennes et à toutes les formes de violence contre elles de la part de ses transnationales. Elles ont remis en question les pratiques sexistes à l’intérieur des mouvements sociaux, brisé les stéréotypes et rôles de genre et créé des espaces autonomes basés sur la solidarité et les soins collectifs.

Actuellement, les femmes sont en première ligne dans les manifestations au Chili, il faut se rappeler que le 8 mars 2019, une marée a inondé les rues de Santiago pour célébrer cette première grève féministe de l’histoire du Chili. Plus de 350 000 femmes chantent, dansent, scandent dans le centre de la capitale. Des femmes, surtout, le plus souvent jeunes. Elles confirment que « nous avons beaucoup avancé dans le sens d’une meilleure intégration de la lutte féministe au sein des poblaciones [les habitantes des nombreux quartiers déshérités de Santiago] et de certains syndicats, particulièrement dans les secteurs où il y a une présence féminine marquée (éducation, santé, administration). Le but de la coordination est précisément de parvenir à une approche qui touche l’ensemble des femmes, qui traite aussi bien des attentes de celles des secteurs populaires, des migrantes, que de celles parfois dites des “classes moyennes”, mais qui, dans le Chili néolibéral, sont en réalité — notamment les jeunes — certes diplômées, mais endettées jusqu’au cou » (Karina Nohales, spécialiste du droit du travail et militante féministe, citée dans Monde diplomatique, mai 2019).

Cette présence s’est fait sentir fortement aujourd’hui où après 4 semaines de manifestations elles continuent avec d’autres secteurs à demander une justice sociale, une meilleure redistribution de la richesse, accès à une éducation publique, a des soins de santé de qualité. Malgré la répression, elles continuent avec le peuple chilien CRIER HAUT ET FORT !  ASSEZ, C’EST ASSEZ! Chile desperto! Le Chili s’est réveillé!

Les mouvements en Amérique latine sont d’une grande diversité, les femmes autochtones sont présentes avec leurs propres revendications mais tissent des liens de solidarité avec les autres secteurs des populations.

En Bolivie une l’élite économique et religieuse bolivienne reprend le contrôle du pays afin d’enrayer les réformes réalisées depuis 13 ans dans un esprit d’inclusion sociale par le premier chef d’État indigène bolivien. La Bolivie s’est démocratisée en accordant plus de droits aux indigènes, aux agriculteurs, aux pauvres ou aux communautés LGBTQ. Aujourd’hui, ses secteurs font face a une persécution sans nom.

Équateur : les femmes indigènes ont marché des kilomètres afin de demander le retrait du décret qui supprimait les subventions aux carburants, en doublant le prix et déclenchant la pire crise sociale de la dernière décennie. Les indigènes représentent 25% des 17,3 millions d’habitants de ce petit pays pétrolier et sont parmi les plus pauvres.

Au Mexique, neuf mexicaines sont assassinées chaque jour et 79 % des habitantes de Mexico se disent victimes de violences sexuelles et sexistes. Face à ce terrible constat, et alors que les autorités pèchent par inaction, les femmes se mobilisent contre les féminicides.

Argentine : le 12 octobre, plus de 200 000 femmes dimanche soir ont marche dans les rues de La Plata, à soixante kilomètres de Buenos Aires. Les principales revendications – le droit à l’avortement, la lutte contre la violence de genre, l’éducation sexuelle à l’école et les droits des minorités.  Le symbole qu,eles utilisent est le foulard vert.

Brésil : Les femmes doivent prendre conscience de leur condition féminine pour avancer dans leur libération pour les autres générations, jusqu’à présent elles n’ont pas la liberté de parler, penser et se positionner dans le monde » Les femmes ont organisé plus de 50 manifestations de résistance pour marquer le premier anniversaire de l’assassinat d’une militante des droits humains et membre du conseil municipal de Rio, Marielle Franco [assassinée par des miliciens liés au pouvoir le 14 mars 2018].

Dans les Antilles, en Haïti, le pays est secoué par une vague de contestation contre un pouvoir corrompu, les femmes affirment que les revendications portent sur un système qui ne marche pas, qui ne fonctionne que pour une minorité, qui a tous les privilèges, toutes les richesses, alors que la population n’a rien. Aucun changement ne doit se faire sans nous, ni contre nous.

Asie

À Istanbul en Turquie, la manifestation féministe massive a été violemment réprimée par le pouvoir.

En Corée du Sud, les femmes ont manifesté déguisées en sorcières.

Des manifestations ont aussi eu lieu en Inde, en Indonésie

En Irak et en Syrie, les femmes kurdes, se battent quotidiennement pour anéantir Daech, mais aussi pour consolider une société plus égalitaire. Dans la guerre contre l’État islamique, elles sont devenues une puissante arme de communication. Combattant en Irak et en Syrie, les femmes kurdes sont érigées sur les réseaux sociaux en icônes de la lutte contre les djihadistes, comme un défi à des hommes ne reconnaissant aucun droit au sexe opposé.

En Chine, vêtues de noir – la couleur de ce mouvement antigouvernemental – et visages masqués, les Hongkongaises sont partout dans les manifestations qui ébranlent depuis plus de trois mois l’ex-colonie britannique. « Garçon ou fille, on a tous le même objectif : nous battre pour la liberté. Face à la police, on est aussi courageuses que les garçons ! », assure Jane, une protestataire de 28 ans.

Toujours en Chine, Denise Ho, elle a appris à vivre avec les injures dont l’abreuve le camp pro-Pékin, injures d’autant plus virulentes qu’après avoir fait son coming out en 2012, elle est devenue une icône de la cause LGBT. «Je suis une cible privilégiée. Mais, de manière générale, les femmes militantes subissent davantage d’insultes, en ligne et sur le terrain.

En Russie, les féministes luttent depuis plus de 3 ans contre la dépénalisation juridique de la violence conjugale, alors que des artistes féministes membres du groupe punk Pussy Riot ont été criminalisées, envoyées au camp, et que d’autres se sont réfugiées en Suède.

Afrique

En Afrique de l’Ouest et Afrique subsaharienne, les mouvements des femmes et des jeunes femmes se mobilisent pour le droit à la sexualité et à la santé reproductive dont la contraception, contre les violences faites aux femmes, en particulier les violences sexuelles, contre le mariage des enfants et les mutilations génitales.

Au Sénégal, le mouvement #Dafadoy (« C’est assez) milite contre les violences faites aux femmes et se mobilise pour la criminalisation du viol. Du 25 novembre au 6 décembre, les femmes de ce collectif se sont mobilisées contre les violences faites aux femmes par le biais de 16 vidéos de 16 minutes pendant les 16 jours. La campagne #TEELNA vise la fin des mariages de jeunes filles et leur éducation.

Au République démocratique du Congo, les femmes doivent à la fois se mobiliser contre les forces politiques, militaires, économiques et même contre les forces de maintien de paix dans des conditions de pauvreté et de violences extrêmes.

En Algérie, les femmes, très présentes dans la mobilisation sociale actuelle pour l’accès une véritable démocratie que tiendra compte de leurs revendications en tant que femmes, l’était encore davantage vendredi dernier avec des appels spécifiques dans certaines villes. Les femmes dans ce pays ont participé à la guerre de libération contre la France, elles ont toujours été là, actives. Mais leurs revendications ont toujours été ignorées. En Algérie : Fatma Oussedik, sociologue, professeure et militante féministe lance : « Chaque fois, on nous a dit que l’essentiel était de transformer d’abord le politique et qu’ensuite, on tiendrait compte de nos demandes. Cette fois, on ne va pas lâcher! ».

Europe

En Europe, la question de la grève des femmes commence à gagner du terrain en Italie, en Belgique, en Grèce… Mais on est partout encore très loin de la mobilisation incroyable qui a à nouveau secoué l’État espagnol. Cette année ce sont 6 millions de grévistes qui ont été recensées (5 millions en 2018) et des manifestations énormes dans toutes les grandes villes.

En France, dans quelques villes en région, les manifestations ont dépassé le millier de manifestant∙e∙s. À Paris, on en a compté quelques milliers de présent∙e∙s au rassemblement de 15 h 40. Et le lendemain, samedi 9 mars 2019, nous, les femmes, avons été en tête de la manifestation des Gilets jaunes. La convergence avec des femmes gilets jaunes, avec les assistantes maternelles en lutte avec leurs gilets roses, ou avec des femmes des quartiers populaires, est la démonstration que la jonction avec les questions sociales, économiques, écologiques, les problématiques liées au travail, ainsi qu’avec les discriminations et l’antiracisme est plus que possible.

En  l’Espagne, en Catalogne et le pays vasque espagnol les femmes sont regroupées, afin de revendiquer leur droit de décider le leurs corps, de décider de leur autonomie, elles ont mis de l’avant la grève féministe pour le 8 mars: dans les associations de femmes, les syndicats bien sûr, les collectifs unitaires, les groupes de femmes, les lieux de travail, les quartiers, etc.

Défendre et construire la grève féministe

Tel qu’indiqué d’entrée de jeu, ce n’est qu’un bref survol des résistances des femmes dans le monde. On pourrait encore nommer les actions des femmes en contexte de guerre, dans les camps de refugié∙e∙s ou encore en situation de survie.

Nous avons cru que c’était important de faire ce bref survol dans le monde, parce que nous ne vivons pas en silo. Tout au contraire, les luttes des femmes d’ailleurs sont également nos luttes – peut-être dans des formes différentes – mais le fond est le même. 

Il est clair qu’une nouvelle génération de militantes sont désormais présentes dans la lutte féministe. Dans la suite du mouvement #MeToo, de #Noustoutes, de la lutte contre toutes les violences faites aux femmes, ces femmes, souvent jeunes, se conscientisent sur l’ensemble des problématiques féministes.

Plus récemment, la question des violences faites aux femmes a suscité une grande mobilisation contre l’État, le système de justice, la Police, et toute la société, qui a fait le tour du monde avec le flash mob Un violador en tu camino du Collectif chilien Las Tesis : Argentine (Buenos Aires, Córdoba, Mendoza, Rosario), Belgique (Bruxelles, Anvers, Namur),  Canada (Montréal, Québec); Chili (Antofagasta, Chillán, Concepción, Rancagua, Santiago, Valparaíso), Colombie (Bogota), Costa Rica (San José), Cuba (La Havane), Équateur (Guayaquil, Quito, Cuenca), Espagne (Barcelone, Madrid, Oviedo, San Sebastián, Pontevedra, Cadix), États-Unis (New York), France (Paris, Lyon, Grenoble, Bordeaux, Perpignan), Guatemala, Mexique (Aguascalientes, Cancún, Colima, Mexico, Ciudad Juárez, Ecatepec de Morelos, Guadalajara, León, Mérida, Monterrey, Morelia, Oaxaca, Puebla, Santiago de Querétaro, Saltillo, Torreón, Toluca, Tampico), Paraguay (Asuncion), Pérou (Lima), Porto Rico (San Juan), Portugal (Lisbonne, Algarve), République dominicaine (Saint-Domingue), Royaume-Uni (Bristol, Londres). Salvador (San Salvador), Suisse (Lausanne), Tunisie (Tunis), Uruguay (Montevideo), Venezuela (Caracas). Le 15 décembre dernier, le RGF-CN et le Comité femmes immigrantes de Québec ont réuni 200 femmes à Québec pour réaliser le flash mob traduit en français, en innu, en espagnol et interprété dans la langue des signes de Québec (LSQ). L’adaptation des paroles, en plus des éléments originaux, insistait sur les femmes autochtones disparues et assassinées.

La lutte contre les changements climatiques et pour la justice climatique est également une lutte féministe qui mobilise des femmes et des jeunes femmes partout dans le monde. Le 27 septembre dernier, des millions de personnes ont marché, partout à travers le monde, dont des dizaines de milliers à Québec. Les femmes sont nombreuses parmi les écologistes. Elles prennent les devants et portent les inégalités sociales au cœur de la lutte pour le climat.

Le contexte du Québec et du Canada

Alors au Québec, quels sont les enjeux qui nous touchent ?

Malgré ce que vous pouvez entendre dans les médias ou d’autres espaces publiques, nous aimerions vous informer que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas atteinte ni au Québec, ni dans notre région!

Ici, on ne vous apprend rien quand on vous dit qu’au Québec, nous ne sommes pas à l’abri de la résurgence de l’idéologie et du discours populiste de droite.

Le discours populiste de droite vise à diviser les gens dans l’objectif de briser le rapport de force que la population peut créer ensemble.

C’est un discours qui devient de plus en plus acceptable et dominant.

Au niveau fédéral : on n’a qu’à regarder les dernières élections avec le Parti populaire du Canada de Maxime Bernier, sans parler des politiques régressives du Parti Conservateur.

Au niveau provincial, nous avons un gouvernement qui introduit des lois et mesures qui ciblent certains groupes.

La Loi sur la laïcité de l’État qui a un impact essentiellement sur les femmes et qui exclut un groupe de femmes de certaines activités de la société.

Le test des valeurs qui sous-entend que l’égalité hommes-femmes est atteinte au Québec et que c’est seulement les nouveaux arrivant∙e∙s qui mettent en danger les acquis du féminisme.

Les changements à l’immigration, notamment la diminution du nombre d’immigrant∙e∙s accueillis, sous prétexte que l’intégration de ces nouveaux arrivants et arrivantes est difficile et dans les tentatives de réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) alors même que nous sommes dans un contexte de pénurie de travailleuses et de travailleurs!

Dans les marges : on voit une résurgence des groupes de l’extrême droite. Seulement dans notre région, il y a 5 ou 6 organisations actives et publiques sur un total de 8 organisations, selon un rapport publié par la Ligue des droits et liberté – section Québec (Portrait de l’extrême-droite à Québec, 2019).

Dans l’ordre des idées plus larges, encore plus englobant que la montée de la droite est le fait que nous devons faire face de plus en plus à la réalité du changement climatique et se demander comment cela va affecter les femmes, les enfants et d’autres populations vulnérables. On peut parfois penser que c’est loin de notre réalité au Québec ou même au Canada, mais on n’a qu’à voir des inondations ou des canicules dans les ilots de chaleur pour voir que ça va bel et bien nous affecter aussi.

À ce sujet, il faut également se rappeler que les impacts des changements climatiques ailleurs dans le monde vont aussi nous affecter, que ce soit au niveau des refugié∙e∙s climatiques, des pénuries de ressources, des instabilités politiques, économique et sociales qui découleront des changements climatiques. Comme féministes qui croient dans la justice sociale, on ne peut pas échapper au fait que ce sera d’abord et avant tout les femmes (surtout dans les pays plus pauvres) qui vont vivre les conséquences de ces crises, alors que la crise climatique a été créée par les personnes en situation de pouvoir; essentiellement des hommes dans les pays favorisés.

Attaques aux acquis

On voit aussi des attaques sur les luttes que nous pensions gagnées.  Nous voyons que les acquis qui sont le fruit d’années de militantisme, de luttes et de travail sont encore une fois questionnés, remis en doute, attaqués, parfois directement, et d’autres fois de façon insidieuse.

À titre d’exemple – et seulement un exemple – le droit à l’avortement. Dans cet exemple, comment les attaques sont-elles effectuées?

  • Attaque frontale directecontre le droit à l’avortement: on le voit dans les exemples de ce qui se passent aux États Unis et en Amérique latine, par exemple.
  • Attaque plus douce: on le voit dans le fait que ce droit est un des enjeux qui a été soulevé lors des élections fédérales et que les chefs de partis politiques déclaraient si leur parti allait questionner ou non ce droit, si leurs député∙e∙s d’arrière-ban demeureraient libres de déposer des projets de loi mettant ce droit en question ou de voter en faveur ou en défaveur de ces projets de loi. Le discours est passé du « droit à l’avortement », considéré comme un droit fondamental des femmes, au « débat sur l’avortement » où on considère l’avortement non pas comme un droit, mais comme un sujet à débat sur lequel on peut émettre des opinions.
  • Attaque insidieuse: l’attaque se fait par la restriction dans les services en matière d’avortement comme l’accès à la pilule abortive qui est restreint au Québec, le manque d’accès aux services d’interruption volontaire de grossesse au Québec et au Canada, les  listes d’attentes qui peuvent s’étalier jusqu’à 5 semaines, les femmes dans les régions qui doivent se déplacer sur des longues distances, etc.

On pourrait faire la même analyse pour bien d’autres acquis.

Luttes à gagner

Et bien sûr il y a des toutes les luttes qui ne sont pas encore gagnées :

  • Les violences envers les femmes n’ont pas été éliminées. Les femmes continuent à être majoritairement victimes de violence conjugale, économique, psychologique, sexuelle, de harcèlement, etc.,
  • Le travail pour avoir un système judiciaire qui ne re-victimise pas les femmes qui ont subi une violence sexuelle continue.
  • La surreprésentation des femmes parmi les personnes en situation de pauvreté : les femmes continuent de vivre plus souvent en situation de pauvreté, particulièrement les femmes qui reçoivent des prestations d’aide sociale ou qui travaillent à salaire minimum.
  • Le partage inéquitable des responsabilités familiales: les femmes continuent à être majoritairement cheffe des familles monoparentales et à assumer la majorité des responsabilités familiales, de même que la charge mentale.
  • Equité salariale : À travail égal, les femmes continuent à gagner moins que les hommes. En 2018, les femmes ont gagné en moyenne 3$ de moins par heure.
  • La représentation politique et démocratique: Les femmes continuent à être sous-représentées sur les instances.
  • Intersectionnalité : Tous ces enjeux touchent encore plus les femmes autochtones, les femmes immigrantes, les femmes vivant avec une incapacité, les femmes racisées, les femmes ainées, les femmes et les personnes appartenant aux communautés LGBTQ+, les femmes avec des problèmes de dépendances, les femmes vivant avec des problèmes de santé psychologique, etc. Leurs oppressions s’entrecroisent et entraînent des expériences particulières qui ne sont pas toujours représentées dans les luttes. Le défi de l’inclusivité est une lutte à gagner.
  • Le désengagement progressif et continu de l’État depuis plusieurs années ne fait qu’aggraver ces situations. Les coupures dans les programmes sociaux et les services publics touchent avant tout les populations vulnérables comme les femmes et les enfants et augmentent la surcharge du travail dans les organismes communautaires, surcharge majoritairement portée par des travailleuses femmes.
  • Les organismes communautaires et des groupes de femmes restent toujours sous financés et surchargés de travail, les revendications pour la hausse du financement des organismes communautaire continuent.
  • Mais encore plus, la reconnaissance de l’autonomie et le travail des organismes communautaires et de leur apport à la société reste un enjeu important.

Dans la Capitale-Nationale

Notre région n’échappe pas aux enjeux qui touchent les femmes partout au Québec :  la pauvreté, les violences, le poids de responsabilités familiales qui repose majoritairement sur les femmes, le fait que les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, au salaire minimum, les femmes en situation d’itinérance, et on pourrait continuer encore.

Manque criant de logements sociaux

Dans notre région, il y a un manque criant de logements sociaux, alors même que la région affiche les coûts médians les plus élevés des logements et qu’une crise du logement est annoncée, en particulier dans les quartiers centraux et pour les logements à 3 chambres et plus. Les femmes sont discriminées de multiples façons dans leur accès au logement qui représente pourtant un des piliers de leur autonomie économique, de leur santé, de leur sécurité et de leur intégrité.

Enjeux reliés à l’immigration

C’est aussi important de mentionner que, dans notre région comme partout au Québec, il y des enjeux autour de l’immigration. Ça ne fait pas très longtemps que le Québec et la région voient l’arrivée plus importante d’immigrantes et immigrants et cela soulève des enjeux auxquels il faut réfléchir : l’accès à l’emploi, l’apprentissage de la langue, l’intégration et l’accueil des femmes dans nos milieux de femmes.

Comme exemples de défis, on n’a qu’à souligner le cas des femmes sans statut, c’est-à-dire sans carte d’assurance-maladie et sans accès à la plupart des services publics pour elles ou pour leurs enfants (et ce, indépendamment du statut de citoyenneté de leurs enfants), ou les besoins non répondus d’interprètes pour rendre possible l’accès aux services et l’intégration dans la société.

Absence d’instances de développement régional pour porter la condition féminine

Au niveau des structures régionales, avec la disparition des instances de développement régional telles que les Conférences régionales des élus [CRÉ] et les Agences régionales de santé, les femmes ont perdu des instances de participation citoyenne et des lieux où elles pouvaient travailler sur la condition féminine et soulever des enjeux touchant particulièrement des femmes dans la région.

De plus avec la disparition des CRÉ, les groupes de femmes ont perdu des budgets régionaux réservés à la condition féminine.

Il y a le Forum des élus (qui a remplacé la CRÉ), mais pour le moment, sa structure actuelle – où il n’y a pas de présence de représentantes et représentants de la société civile – rend ce travail très difficile.

Défi de la densité du territoire, zones rurales, périurbaines et urbaines

La région couvre des réalités fort différentes, que ça soit au niveau de l’accès aux services, au transport, au logement ou au niveau du taux d’emploi et du taux de pauvreté, par exemple.

Montée de l’extrême-droite à Québec

Liste des groupes actifs selon le rapport de la Ligue des droits et libertés – section Québec (2019).

  • Atalante
  • Storm Alliance
  • Québec Stomper Crew
  • Soldiers of Odin Québec
  • Fédération des Québécois de souche (FQS)
  • La Meute
  • Threepercenters (III%)
  • Légitime Violence

« De manière générale, nous notons une croissance du nombre d’activités de l’extrême droite dans la ville de Québec. Cette question reste donc à surveiller » (conclution du rapport, Ligue des droits et libertés – section Québec, 2019).

Attitudes et discours antiféministes et masculinistes

Un autre phénomène qui nous touche dernièrement : nous voyons autour de nous la présence de plus en plus imposante des attitudes et discours antiféministes et masculinistes.

Qui attaquent nos acquis?

Qui questionnent nos analyses?

Qui met en doute les réalités et les paroles des femmes?

Ce discours est de plus en plus présent sur l’espace public, dans les médias, sur les réseaux sociaux, mais aussi dans les instances et tables de concertations sur lesquels nous siégions, chez les fonctionnaires du réseau de la santé et ailleurs, et même au sein des groupes communautaires.

C’est un discours extrêmement dangereux qui nie que l’existence des inégalités entre les femmes et les hommes, qui symétrise les enjeux vécus par les hommes (ex. la violence) et qui place les hommes en position de victimes. Ce discours s’attaque à nos acquis, mais aussi à notre autonomie en tant qu’organismes communautaires.

Le Centre Femmes d’aujourd’hui  offre une formation très pertinente à ce sujet.

Radios-poubelles et tribunes pour les discours haineux

Une autre particularité de notre région, c’est la présence des Radios-poubelles qui alimentent et mettent le feu sur tous ces enjeux.

Et en conclusion, sur une note d’humour jaune, nous sommes aussi la région où une de nos députées est stigmatisée à cause de ses choix vestimentaires!

Conclusion

Face à ces situations-là, nous ripostons ici et partout dans le monde avec l’action collective, parce qu’on sait que toutes les avancées sociales et tous les gains pour les femmes en matière d’égalité ont été obtenus grâce à la lutte politique de longue durée.

On est ici et on fait partie d’un regroupement parce qu’on sait que le progrès est possible, le changement est possible, qu’on peut améliorer des choses et que la façon de l’obtenir est de se battre et se battre encore de façon concertée et collective.

Dernièrement nous avons vu les résultats des mobilisations collectives avec l’augmentation du financement des organismes communautaires.

En plus, grâce à la pression des organismes communautaires, le gouvernement n’a pas eu le choix que de reconnaitre l’autonomie des organismes communautaires; ce qui était en doute au début du mandat du gouvernement précédent.

On a aussi d’autres atouts importants à notre disposition :

  • nous avons des groupes alliés avec qui nous travaillons et avec qui nous pouvons collectivement mettre en action des stratégies et des actions;
  • nous siégeons sur des lieux de concertations qui nous permettent de faire entendre la voix des femmes;
  • nous avons des groupes membres mobilisées, politisées et impliquées au Regroupement;
  • nous avons des comités de travail, un conseil d’administration et aussi une équipe de travail dignes d’envie.

Parce que nous sommes plus de la moitié de l’humanité, que nous sommes partout, notre force est immense si nous nous organisons pour éliminer les oppressions et l’exploitation qui régissent aujourd’hui la société. L’heure est à la construction d’un mouvement féministe massif et radical qui lutte pour changer le monde !

Au travail mesdames!

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