Précarité menstruelle :Démocratiser l’accès aux produits menstruels en réduisant les impacts sur l’environnement

Mémoire déposé par le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale nationale (RGF- CN) dans le cadre du renouvellement du plan métropolitain de la gestion des matières résiduelles de la Communauté métropolitaine de Québec

Février 2023- Préambule 

Ce mémoire a été rédigé principalement d’après l’étude du Conseil du statut de la femme : « Faciliter l’accès aux produits menstruels : mesures possibles »[1] , ainsi que grâce à la campagne du Fil rouge du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF)[2]. Le RGF-CN endosse totalement ces 2 études, et en fait ressortir certains faits saillants.

À propos 

Présentation du Regroupement des groupes de femmes de la région de la capitale nationale (RGF-CN)

Le RGF-CN a pour mission de réunir les groupes de femmes de la région de la Capitale nationale (Charlevoix-Québec-Portneuf) et d’agir collectivement dans une perspective féministe intersectionnelle pour la défense des droits et des intérêts de toutes les femmes, l’égalité des femmes entre elles, l’amélioration des conditions de vie, en visant notamment l’élimination des inégalités qu’elles vivent aux niveaux social, économique et politique.

Le RGF-CN œuvre principalement sur les questions liées aux violences faites aux femmes, à la santé des femmes, à l’écoféminisme et à la pauvreté des femmes.

Pour bien mener son travail le RGF-CN a adopté diverses stratégies d’actions collectives telles que la concertation, les représentations, les consultations, la production d’outils et de mémoires, l’organisation d’évènements et de colloques, le développement de positions stratégiques, le soutien aux groupes membres, la conscientisation et la sensibilisation, la diffusion d’information.

Une campagne sur la précarité menstruelle portée par le comité pauvreté du RGF-CN

La campagne du RGF-CN sur la précarité menstruelle émane de ses membres qui composent le comité pauvreté. Ce comité est composé des groupes de femmes suivants :

  • Vide ta sacoche
  • Regroupement des femmes sans emploi du nord de Québec (ROSE du Nord)
  • Étape emploi
  • Le Rempart
  • Le Comité d’aide aux femmes sourdes de Québec (CAFSQ)
  • La YWCA


Précarité menstruelle

Définition de la précarité menstruelle

Selon le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF), la précarité menstruelle est « la difficulté d’accès aux produits menstruels, que ce soit de manière régulière ou occasionnelle, faute de moyens financiers. S’ajoute à ces produits indispensables le coût que représentent les autres besoins liés aux menstruations comme les antidouleurs souvent utilisés, les sous-vêtements et draps tachés à remplacer, ou encore les consultations chez les professionnel·le·s de la santé.

La précarité menstruelle existe aussi lorsque les personnes n’ont pas d’endroit pour se changer, pas d’accès à l’information sur leur cycle ni d’espace où en parler. »[3]

L’accessibilité aux produits menstruels : un enjeu d’équité

Les produits menstruels sont indispensables, et, pour de nombreuses personnes, les dépenses qui y sont associées sont des dépenses qui pèsent lourdement dans la balance lorsqu’il s’agit de choisir entre se nourrir ou couvrir d’autres besoins de base que ce soit pour elle ou pour leur famille.

D’après les estimations réalisées par le Conseil du statut de la femme[4] l’utilisation de produits menstruels jetables représente des dépenses annuelles d’environ 80$, soit 72$ pour des serviettes ou 86$ pour des tampons. Notons qu’il faut ajouter à ce montant le coût des antidouleurs qu’utilisent de très nombreuses femmes, celui des médecines conventionnelles ou alternatives (ostéopathie, acupuncture, naturopathie, etc.), ou encore celui des sous-vêtements et linges de lit tachés qu’il faut remplacer.

La nouvelle étude Period Poverty in Canada[5] publiée en mars 2022 par la National Union of Public and General Employees (NUPGE) estime à 6000 $ le coût moyen des produits menstruels à l’échelle d’une vie.

D’après un sondage mené par le RQASF en 2021:

  • 1 personne sur 2 (48,7%) trouve que les produits menstruels ne sont pas abordables
  • 81,2% ne trouvent pas de produits menstruels à disposition sur leur lieu de travail ou au sein de leur établissement d’enseignement
  • 19,6% ont occasionnellement utilisé de moyens alternatifs (papier de toilette, tissu) en guise de protection lors des menstruations en raison du coût élevé des produits menstruels et 2% rapportent utiliser des alternatives régulièrement[6]

Deux enquêtes récentes confirment que la précarité menstruelle touche une proportion non négligeable de Québécoises, de façon temporaire ou persistante:

  • Selon un sondage mené en 2020, 12% des Québécoises interrogées auraient déclaré avoir « déjà eu, à plusieurs reprises, à faire le choix difficile entre acheter un produit d’hygiène féminine et un article essentiel de leur liste d’épicerie » (Les Compagnies Loblaw limitée, 2020).
  • Dans un sondage pancanadien conduit en 2019 auprès de femmes âgées de 14 à 55 ans pour le compte de l’organisation Plan International, 34% des 445 répondantes du Québec ont affirmé avoir eu à sacrifier autre chose (ex. : dépenses pour le loyer, la nourriture, les loisirs ou de nouveaux vêtements) pour avoir suffisamment d’argent pour acheter des produits menstruels. Plus précisément, 27% d’entre elles ont déclaré devoir faire ce choix occasionnellement et 7% ont indiqué devoir le faire régulièrement (Nanos, 2019) [7].

Rappelons que :  

  • Les femmes touchent en moyenne un revenu annuel inférieur à celui des hommes, peu importe leur groupe d’âge ou leur niveau de scolarité. En 2019, au Québec, le revenu médian des femmes après impôt était de 29 300 $, comparativement à 36 600 $ pour les hommes, ce qui correspond à un écart de 7 300 $ (20 %)
  • Les femmes restent plus représentées dans les tranches de revenu inférieures. En 2019, la proportion de femmes dans la première tranche de revenu après impôt était de 22 %, et la proportion d’hommes, de 17 %.[8]
  • En 2022, le montant de la prestation de base à l’aide social est de 725$ par mois[9]

La précarité menstruelle : un enjeu de santé et de bien être

L’étude « Faciliter l’accès aux produits menstruels » dresse une liste des enjeux en matière de santé et bien-être qui sont vécus par les personnes qui n’ont pas accès à des produits menstruels lorsque nécessaire :

  • Le syndrome du choc toxique menstruel :

Sachant que la précarité financière peut conduire des femmes ou des filles à utiliser des tampons pour une durée plus longue que celle recommandée, elles pourraient s’exposer davantage au risque de développer le syndrome du choc toxique (SCT) menstruel.

  • Les infections de l’appareil reproducteur :

De nombreuses études se sont intéressées au lien entre l’incapacité à maintenir une bonne hygiène menstruelle et certaines infections de l’appareil reproducteur féminin (Rawat, Tyagi et Saxena, 2020; Sumpter et Torondel, 2013). Plus précisément, les spécialistes s’inquiètent du fait que certaines infections « pourraient être causées ou aggravées par l’incapacité à maintenir une hygiène génitale, en particulier pendant les menstruations » (Sommer et al., 2020, p. 2, traduction libre)

  •  Les problèmes de santé mentale :

Selon un sondage réalisé en 2013 aux États -Unis auprès de 1 072 femmes, la perspective d’avoir ses menstruations de manière inattendue en public, sans avoir accès à des produits menstruels, suscite des sentiments négatifs, soit de l’embarras (57%), de l’anxiété et du stress (43%) et même de la panique (35%) (Free the Tampons Foundation, s. d.).  Des sentiments d’anxiété et de honte ont aussi été rapportés dans des études qualitatives s’intéressant à la réalité de femmes qui ont des difficultés à se procurer des produits menstruels (Briggs, 2021; Gruer et al., 2021).

  • La fréquentation et le rendement scolaire :

Au Canada, un sondage commandé par une entreprise privée et mené en 2018 auprès de femmes âgées de 16 à 24 ans a établi qu’une sur sept a dû rater un jour d’école en raison d’un problème d’accès à des produits menstruels (Procter & Gamble, 2018).

  • La participation à l’ensemble des activités sociales :

Selon l’enquête pancanadienne menée en 2019 par Nanos pour Plan International, 59% des 445 Québécoises interrogées ont dit avoir manqué occasionnellement (47%) ou régulièrement (12%) une activité en raison des menstruations ou en raison de la crainte de ne pas avoir accès à des produits menstruels ou à des installations sanitaires adéquates[10]

Les impacts des produits menstruels jetables sur l’environnement

Quelques données :

  • Les serviettes sanitaires contiennent jusqu’à 90% de plastique. Un paquet de serviettes contiendrait l’équivalent de matériaux de quatre sacs de plastique à usage unique.
  • Les tampons également contiennent du plastique, même la corde pour le retirer. Les applicateurs sont composés de polyéthylène (PE) et de polypropylene (PP).
  • Le reste de la serviette est faite à partir de pulpe de bois. Les tampons, quant à eux, sont fabriqués à partir de coton et/ou de rayonne.[11]

Tout au long de sa vie, une femme utilisera entre 10 et 15 000 produits menstruels, ce qui équivaut à entre 100 et 150 kilogrammes de serviettes hygiéniques et de tampons. Le temps de dégradation de ces produits est estimé à 450 ans. [12]

Recommandation:

Afin de lutter contre la précarité menstruelle dans une perspective écoféministe, le RGF-CN recommande de démocratiser l’accès à tous les produits menstruels pour toutes les femmes, filles et personnes qui ont des menstruations.

Parmi les solutions envisageables, une des solutions à la précarité menstruelle et à la réduction des méfaits des produits jetables sur l’environnement est de démocratiser l’accessibilité des produits menstruels durables.

  • Subventionner les produits menstruels durables

Même si, à long terme, les alternatives réutilisables représentent une économie, leur coût de départ est plus grand et peut parfois être un frein à l’achat (exemple : achat d’une coupe menstruelle à 40$ vs une boîte de tampons à 7$). L’offre de subvention contribue à en accroître l’accessibilité, et plusieurs municipalités ont d’ailleurs commencé à aller en ce sens ces dernières années.

Ainsi, en mars 2021, la population de 92 municipalités et de huit arrondissements montréalais pouvait se prévaloir d’un programme de subvention pour l’achat de produits menstruels réutilisables, soit 2 042 431 personnes, ce qui représente 24,9% de la population québécoise.[13]

Aussi, il est important de noter que depuis janvier 2023, la ville de Lévis offre elle aussi une subvention pour l’achat de produits menstruels.

Ainsi, l’accès aux produits menstruels durables contribue à la réduction à la source, tout en proposant une alternative à l’usage unique ce qui répond aussi à la stratégie de développement durable adoptée par la ville de Québec.

En conclusion, afin de lutter contre la précarité menstruelle dans une perspective écoféministe, le RGF-CN recommande que dans son nouveau Plan métropolitain de gestion des matières résiduelles (PMGMR), la Communauté métropolitaine de Québec intègre une subvention à l’achat de produits menstruels durables pour toutes les femmes, filles et personnes qui ont des menstruations.


[1] CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME (2021). Faciliter l’accès aux produits menstruels : mesures possibles, Québec, Conseil du statut de la femme, 117 p.

[2] https://rqasf.qc.ca/lefilrouge/

[3] https://rqasf.qc.ca/lefilrouge/precarite-menstruelle/

[4] Faciliter l’accès aux produits menstruels : mesures possibles, tableau 1 p.7

[5] https://nupge.ca/sites/default/files/documents/Period%20Poverty%20in%20Canada%20-%20Final.pdf

[6] https://rqasf.qc.ca/campagnerouge/wp-content/uploads/2021/10/Enquete-Mestruations_FINAL.pdf

[7] Faciliter l’accès aux produits menstruels : mesures possibles, p.22

[8] FONTAINE, Marie Mélanie (2022). « Revenu et faible revenu au Québec en 2019 : les plus récentes données et les tendances depuis 25 ans », Zoom société, [En ligne], no 2, février, Institut de la statistique du Québec, p. 1-20. [statistique.quebec.ca/fr/fichier/revenu-faible-revenuquebec-2019-donnees-tendances-depuis-25-ans.pdf].

[9] Gouvernement du Québec : https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/aide-sociale-et-solidarite-sociale

[10] Faciliter l’accès aux produits menstruels : mesures possibles, p.37

[11] Madame L’Ovary, Mémoire « L’accessibilité des produits d’hygiène féminine durables pour une agglomération montréalaise 0 déchets »

[12] https://www.consoglobe.com/substances-que-cachent-protections-intimes-cg

[13] Faciliter l’accès aux produits menstruels : mesures possibles, p.56

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