Lettre ouverte
En début de campagne, on a brièvement entendu parler de harcèlement, mais sans profondeur ni des actions concrètes pour lutter contre cet enjeu qui touche particulièrement les femmes.
Avec la prolifération des réseaux sociaux, les partis politiques ont investi le web pour mener leur campagne électorale. L’apparition des pages Facebook et des comptes Twitter des partis politiques et des candidat∙e∙s permet une proximité et une opportunité de diffusion plus ciblée à la population. Or, c’est aussi devenu une nouvelle source de violence à l’égard des candidates et des élues.
Force est de constater que le harcèlement – et plus particulièrement le harcèlement virtuel – auquel font face les candidates et élues est devenu de plus en plus virulent dans les dernières années. Ce type de violence faite aux femmes atteint leurs droits fondamentaux. En conséquence, un encadrement légal et une mobilisation imminente sont nécessaires.
En ce qui concerne les données, les femmes ont 27 fois plus de probabilité de subir du harcèlement en ligne que les hommes[1]. Pour citer un exemple dans le contexte canadien[2] : « Une analyse de plus de 350 000 tweets a révélé que, parmi les candidats aux élections fédérales canadiennes de 2021, les femmes de la députation sortante risquaient cinq fois plus de recevoir des tweets toxiques que leurs homologues masculins. Même entre elles, des disparités sont notées. Une analyse de plus de 900 000 tweets envoyés à 177 femmes députées au Royaume-Uni a montré que les femmes noires et asiatiques avaient reçu 35 % plus de tweets agressifs que les femmes blanches ».
Le Québec n’est pas une exception à cet enjeu structurel. On peut citer les exemples des témoignages de Marwah Rizqyet, députée du Parti Liberal du Québec, de Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec et de Marie-Phare Boucher, candidate de Québec solidaire dans Matane-Matapédia. Malgré les différentes appartenances politiques et géographiques de ces femmes, elles ont été la cible des propos sexistes et la majorité d’entre elles ont subi du cyberharcèlement.
La récente diminution d’élues de l’Assemblée nationale du Québec[3] témoigne que, malgré la diversité des raisons personnelles qui ont pu motiver le départ de ces femmes, il y a un enjeu structurel directement lié à l’environnement sexiste et exclusif, qui est majoritairement blanc et masculin. En plus du cyberharcèlement, les candidates et élues font face à des violences et préjugés sexistes, tels que : la sexualisation et le paternalisme de la part des collègues ou supérieurs masculins, ainsi que des gestes en apparence anodins, mais profondément sexistes comme le fait de présenter une candidate ou élue par son prénom (infantilisation) ou d’accuser de « colériques » celles qui s’affirment dans leurs convictions politiques.
Face à la recrudescence du sexisme et du harcèlement en ligne vécue par les femmes en politique, et tenant compte de ses impacts sur les droits et l’intégrité de celles-ci, il est impératif de revendiquer un espace sécuritaire et équitable pour toutes les femmes dans la sphère politique. Aucune femme ne devrait subir ces violences et leurs droits fondamentaux devraient être respectés et protégés par la loi, indépendamment de leur apparence, âge, ou de leur appartenance culturelle.
Les femmes ne sont pas un bloc homogène et il est nécessaire de lutter pour que la diversité de leurs voix soit équitablement représentée et entendue, surtout celles des femmes racisées et marginalisées. Tenant compte du contenu misogyne et raciste diffusé largement dans les réseaux sociaux, des mesures législatives sont nécessaires. En ce sens, le Gouvernement devrait suivre l’exemple de l’Europe en ce qui concerne la législation qui impose la responsabilisation des plateformes telles que Instagram, Twitter ou Facebook.
Enfin, il est temps de lutter contre l’exclusion des femmes racisées et/ou immigrantes, la sous-représentation des minorités ethniques, culturelles et personnes de la diversité de genre et sexuelle dans la sphère politique. Le cyberharcèlement est une violence sexiste et raciste qui nécessite la mise en place des ressources pour lutter contre celle-ci.
La banalisation de ces violences sous prétexte qu’elles n’ont pas lieu sur un espace physique témoigne du sexisme et du racisme qui traversent toute la sphère sociale et politique : il faut que ça cesse !
Alba Benitez Ortiz, Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF-CN)
[1] https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2022-09-07/droit-de-parole-des-femmes/un-enjeu-democratique.php
[2] https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/734907/violence-et-harcelement-en-ligne-une-haine-ordinaire
[3] https://www.lesoleil.com/2022/08/23/exode-des-femmes-a-lassemblee-nationale-ae0272bf70c0d6dd9e25ddb3385ebc61