Un budget post-pandémie pour qui?

Un budget post-pandémie, pour qui?

Mardi, le gouvernement du Québec rendait public son budget pour 2022-2023. Ce budget sera mis en œuvre dès les prochaines semaines et, si la CAQ est réélue en octobre prochain, jusqu’en 2023. Ce budget a une volonté claire de « relancer » l’économie avec un déficit de 6 milliards de dollars, une relance qui est délibérément néolibérale et confirme l’approche conservatrice (individualiste!) de la CAQ. De prime à bord, on constate que les moyens manquent toujours pour lutter contre la pauvreté, et remédier à la crise climatique.

Les groupes de femmes sont, depuis, deux ans, aux premières loges des conséquences exacerbées de la crise sanitaire sur les femmes, particulièrement celles qui étaient déjà marginalisées ou exclues. Quels sont les mesures à surveiller suite à l’annonce du budget de mardi et quels sont les (éternels!) trous et manques?

Les besoins des femmes n’ont définitivement pas fait l’objet d’une analyse différenciée ni été pris sérieusement en compte. Où est la Ministre responsable de la Condition féminine lorsque le budget est élaboré? Les besoins sont pourtant largement documentés : pour atteindre l’égalité et réduire les gaps entre les femmes et les hommes et entre les femmes elles-mêmes, il faut des services essentiels accessibles et gratuits, une amélioration de la mobilité et du logement abordable. Ces piliers sont relativement absents du budget présenté le 22 mars 2022.

Rien, sans surprise relativement à un rehaussement conséquent de l’aide sociale ou du salaire minimum.

Le gouvernement a préféré donner un cadeau pré-électoral de 500$ à tout électeur ou toute électrice (pas ménage) gagnant moins de 100 000$ annuellement, une fois, maintenant, plutôt que de passer par une augmentation du crédit d’impôt pour la solidarité qui existe déjà ou des mesures structurantes qui auraient visé particulièrement les ménages à faibles revenus, telles que la hausse du salaire minimum ou des prestations d’aide sociale.

En logement, les constats sont similaires, les locataires et les ménages à faible revenus ne sont pas une priorité du gouvernement caquiste, malgré sa promesse électorale de « livrer les 15 000 logements sociaux déjà prévus […] Pas moins de 38 000 ménages locataires à faibles revenus sont pourtant en attente pour une habitation à loyer modique. » (FRAPRU) Par ailleurs, le gouvernement Legault place beaucoup de confiance entre les mains du marché privé. Relativement au logement, il mise sur le supplément au loyer privé, dont les résultats sont mitigés. « [L]e FRAPRU s’inquiète que les fonds publics servent à subventionner des logements de plus en plus chers, qui n’ont en plus, aucun effet structurant. »

Du côté de la santé, le gouvernement n’a pas saisi l’opportunité de réinvestir massivement dans le réseau public. Au contraire, dans les prochaines semaines, le gouvernement devrait annoncer son plan pour la refonte du système de santé et la crainte des professionnelles de soins est que la dépendance envers le privé ne fasse que continuer de s’accentuer (FIQ). D’ailleurs, l’annonce du gouvernement que 20% des solutions passent par le privé est extrêmement inquiétante. Nous entendons de pied ferme le plan de refonte du système de santé.

Les métiers à prédominance féminine ont été au front de la crise sanitaire, mais le budget post-pandémie passe par la construction, notamment la réfection de routes. Considérant l’urgence de la crise climatique, injecter des fonds publics pour faire rouler l’économie aurait pu être plus inventif et surtout conséquent avec les dernières années : trop peu pour les femmes travailleuses de la petite enfance, à l’école, aux hôpitaux, aux organismes communautaires ; encore rien ou si peu pour les femmes monoparentales, immigrantes, aînées.

Quant au communautaire, la grève et la campagne Engagez-vous donne des résultats, certes, mais seulement à hauteur de 25% des besoins. Pourtant, « c’est en grande partie grâce au milieu communautaire que le filet social a été maintenu durant la pandémie. » (RQ-ACA) Cemanque de reconnaissance, s’il n’est pas surprenant, est choquant. « Loin des 460M$ souhaités, le Plan budgétaire 2022-2023 déposé aujourd’hui par le gouvernement du Québec prévoit notamment un timide rehaussement du financement à la mission globale pour les organismes communautaires au PSOC généraliste. Certains secteurs bénéficient également de crédits supplémentaires pour le soutien de leur mission. Évidemment, nous devrons attendre l’étude des crédits afin d’avoir des précisions quant au déploiement de ce rehaussement.

Pour 2022-2023 :

– 37,1M$ au PSOC généraliste

– 18,8M$ en violence sexuelle et conjugale

– 5M$ pour les hébergement jeunesse

« Malgré les beaux discours et quelques investissements cosmétiques, l’environnement est encore cette année le grand perdant du budget. Si c’était réellement une priorité du gouvernement, les investissements additionnels auraient été comparables aux autres secteurs prioritaires identifiés dans le budget. Ce budget aurait dû être le budget de l’action climatique et environnementale, mais il est clair que le gouvernement Legault ne comprend toujours pas l’urgence d’agir face aux crises du climat et de la biodiversité », dénonce Alice-Anne Simard, directrice générale de Nature Québec. « Alors que rien n’est prévu au budget pour créer de nouvelles aires protégées, l’industrie forestière bénéficiera pour sa part d’un soutien additionnel de l’ordre de 152 millions de dollars, notamment pour construire des chemins forestiers et récolter plus de bois sous le prétexte que les forêts publiques seraient gravement affectées par la tordeuse des bourgeons de l’épinette. » (Nature Québec) Encore une fois, des secteurs à prédominance masculine où les femmes rencontrent des résistances.

Si le budget du Ministre Girard n’est visiblement pas pro-environnement, est-il pour les femmes? [L]e budget 2022-2023 prévoit des investissements de 100,1 millions de dollars sur cinq ans afin d’assurer la mise en œuvre de la Stratégie gouvernementale pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2022-2027, soit : 64,0 millions de dollars pour réduire la dette des étudiants ayant un enfant; 7,0 millions de dollars pour bonifier l’aide à des organismes communautaires qui oeuvrent à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes; 29,1 millions de dollars pour le financement d’autres initiatives prévues, soit 1 million de moins que la dernière Stratégie (2017-2022) qui était déjà nettement insuffisant (G13). Les sommes demeurent en-dessous des besoins, entre autres pour les victimes de violences conjugales (Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale).

Donc, un budget pour qui, on se le demande!

________________________________________

ROC 03: https://www.facebook.com/rocqc/photos/a.249792341809805/4792754867513507/

FIQ: https://www.fiqsante.qc.ca/2022/03/22/un-budget-insuffisant-pour-retablir-le-reseau-public-de-sante-les-professionnelles-en-soins-voulaient-des-actions-claires/?fbclid=IwAR3hUs7rVtuXoeNeY6H0Xauvoge3y9OVGFwDMx_DwyRXH9VNIfpz05f7H9Q

IRIS: https://iris-recherche.qc.ca/communiques/communique-budget-du-quebec-2022/?fbclid=IwAR0lP8PnxUyaC8ypWUiO3KAzDkbj1F8FUdiBtxMfeqnnGzqujlkXYSKkd4M

FRAPRU: https://www.frapru.qc.ca/reaction-budget2022/?fbclid=IwAR0s7LdMbvpvwnlatI4Atj0VBiWIpa-CDofxmjgaDpIQIMyXSu0y1h_pjsY

Nature Québec: https://naturequebec.org/communique-budget-2022/?fbclid=IwAR2Wi8GnTA30Yq7t4x8FzSgAnRfvZHTZvkm0mCvW5pJe2J-5uhw9xITfYt8

G13 : http://www.reseautablesfemmes.qc.ca/wp-content/uploads/2022/03/communique-g13-budget-2022.pdf

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale : https://maisons-femmes.qc.ca/budget-2022-les-maisons-daide-et-dhebergement-pour-femmes-victimes-de-violence-conjugale-devront-poursuivre-leur-plaidoyer/

Retour haut de page